Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 7 mars 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Nous voici réunis pour examiner la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements de notre collègue Romain Daubié. Une telle proposition de loi n'est pas sans mérite : vous souhaitez, monsieur le rapporteur, faciliter la transformation des bureaux en logements. C'est une bonne mesure, mais gardons à l'esprit que cela ne suffira pas à résoudre la crise actuelle – et, au reste, la loi le permet déjà quand cela a du sens et répond à un besoin.

Connaissant votre capacité à analyser avec lucidité les défis à relever, je vous le dis avec gravité, monsieur le ministre : il est vraiment urgent de prendre des mesures fortes afin de remédier à la crise actuelle du logement. Celles déjà annoncées ne nous semblent pas encore suffisantes.

Vous le savez, puisque vous étiez encore président de la commission des affaires économiques lorsque celle-ci a examiné ce texte, j'ai déposé il y a quelques mois une proposition de loi portant mesures d'urgence pour remédier à la crise du logement – la douzaine de dispositions qu'elle contient avait été travaillée en lien avec les acteurs du secteur. En effet, les difficultés que connaît notre pays en matière de logement trouvent principalement leur origine dans cinq crises : une crise de l'offre, une crise de la demande, une crise de l'accession, une crise de l'investissement immobilier et une crise du financement. La proposition de loi que nous examinons, visant à faciliter la transformation de bureaux en logements, n'y apportera qu'une réponse très partielle.

Cela étant dit, revenons-en aux questions qu'elle soulève.

De nombreux paramètres sont à prendre en compte : tout d'abord, il convient de s'assurer que le dispositif proposé ne créera pas de conflits d'usage – par exemple, lorsque les bureaux ayant vocation à être transformés en logements jouxtent un établissement recevant du public, présentant, par exemple, un risque de nuisances sonores au quotidien. Ensuite, il faut vérifier que les besoins du futur logement seront bien pris en compte – en matière de stationnement, par exemple. Enfin, il faut s'assurer que la conception du bâtiment assure une qualité d'usage, car la transformation de bureaux en logements peut donner naissance à des pièces en second jour, voire sans aucun éclairage naturel, donc à de mauvaises conditions d'habitat.

Estimant que l'article 1er pourrait être amélioré afin de mieux prendre en considération ces paramètres et dans un souci de transparence, nous vous proposerons des amendements visant, d'une part, à garantir que les maires pourront se prononcer sur les conséquences d'un changement de destination en matière de nuisances et de risques pour sa commune – y compris dans le cas où la compétence pour délivrer le permis de construire a été déléguée au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) –, et, d'autre part, à s'assurer que les élus qui s'apprêtent à délibérer sur une transformation de bureaux en logements disposent de toutes les informations relatives à l'obsolescence du bien et au nombre d'entreprises et emplois pouvant être affectés. Nous espérons que vous nous suivrez sur ces propositions de bon sens, comme nos échanges avec le rapporteur et l'administrateur de la commission qui l'accompagne le laissent penser.

Les articles 2 et 3 de la proposition de loi, qui visent respectivement à assujettir les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d'aménagement et à définir l'assiette de cette dernière pour les opérations de transformation de bureaux en logements, soulèvent eux aussi des difficultés.

Comme nous l'avons souligné lors de l'examen en commission, une telle taxation est largement critiquable, puisque ces locaux ont déjà été taxés au moment de leur construction, parfois très récente. M. le rapporteur nous a expliqué que les recettes ainsi obtenues permettraient de garantir aux nouveaux habitants des services publics de qualité, mais cet argument me semble assez bancal, puisque la taxe d'aménagement ne vise à couvrir que des frais d'investissement, et non de fonctionnement, et que les équipements nécessaires sont parfois pris en charge par des collectivités qui ne la perçoivent pas. En outre, cette taxation sanctionnant chaque changement d'usage semble en contradiction avec la promesse de la majorité présidentielle et du Gouvernement de ne pas alourdir la charge fiscale pesant sur les Français. Par cohérence, nous vous proposerons donc des amendements de suppression des articles 2 et 3. Je note que le Gouvernement, lors de l'intervention liminaire de M. le ministre, a lui même appelé à une telle cohérence. J'espère donc que nous trouverons un terrain d'entente sur ce point.

Enfin, je voudrais souligner que si l'on veut vraiment faciliter le changement de destination des bâtiments, il semble nécessaire de supprimer l'alinéa 5 de l'article 4, afin de maintenir la possibilité, pour l'organe délibérant compétent, de modifier ultérieurement la destination de la construction. C'est le sens de l'amendement n° 6 que nous vous proposerons.

Pour conclure, si nous pensons que la transformation de bureaux en logements sera pertinente dans de nombreux cas, il nous semble nécessaire d'apporter des ajustements au texte, pour prévoir les cas où cela ne le serait pas. Après ceux en commission, nous espérons que nos débats en séance permettront d'amender positivement ce texte afin de le rendre acceptable pour tous, dans l'ensemble du territoire – ce qui implique de prendre en compte tout à la fois l'échelle de l'immeuble, de la rue et du quartier. Je ne doute pas qu'avec de la bonne volonté, nous y arriverons. Place au travail parlementaire !

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